C’est dans le sillage de la linguistique allemande du XIX siècle, en particulier au sein du Cercle de Leipzig, autour de Franz Bopp, que le terme « Linguistik » va voir le jour. Mus par un projet ambitieux, les linguistes allemands jetaient les bases de ce qu’on appelait la grammaire historique et comparée. Cependant, il faudra du temps à la jeune linguistique pour qu’elle puisse entrer dans le cercle très fermé des sciences. Les raisons sont intrinsèquement épistémologiques : Si les comparatistes allemands défendaient un projet prometteur d’un point de vue théorique (remonter et reconstituer l’histoire linguistique de l’humanité), il n’en demeure pas moins que ce qui leur manquait à juste titre réside en l’absence d’une scientificité suffisamment convaincante autour d’un objet d’étude déterminé, ayant à la fois ses éléments internes et leurs règles de fonctionnement, et une méthode particulière sous-tendant l’étude de cet objet. A ce titre, à défaut d’un objet d’étude déterminé et d’une méthode appropriée, les comparatistes allemands sont tombés dans le piège de l’historicisme qui favorise beaucoup plus une étude historique sur la langue qu’une étude linguistique de la langue, ce qui doit être à la fin la vocation première de la linguistique. C’est un jeune linguiste, comparatiste de formation, qui va être le premier à faire le rapprochement entre ces deux options, manifestement complémentaires, mais qui présupposent deux approches disparates par rapport à l’idée que l’on peut se faire de la langue. De ce point de vue, pour F.de Saussure, le fait linguistique est trop complexe pour être cantonné dans un nombre plus au moins grand de langues, tant il est vrai que cette pluralité linguistique constitue un problème en soi en ceci qu’elle brouille l’idée d’un objet unique, outre le fait qu’elle contraste avec l’unité anthropologique de l’espèce humaine. En effet, il devient inconcevable que les hommes, race unique, soient différents par rapport à leur prédisposition linguistique. C’est à la tache d’épurer et de redéfinir le fait linguistique que va s’atteler F.de Saussure, en essayant d’instaurer épistémologiquement l’autonomie scientifique de la linguistique. C’est pour cette raison, dans un premier temps, il va procéder à définir ces données élémentaires sans lesquels, selon lui, « tout flotte ». Dans un premier temps, les séparations [langage/langue/parole] témoignent du déterminisme qui caractérise la pensée saussurienne. En séparant l’essentiel du secondaire, F de Saussure a ainsi réussi à mettre un cap pour la recherche linguistique. En effet, le langage, désormais reconnu comme une prédisposition biologique, surtout après la découverte des airs de Broca, ne représente en rien la réalité linguistique. Il en va de même pour la parole qui, bien que manifestation concrète de la langue, elle n’en est pour autant qu’une manifestation individuelle. Ainsi soit admis, le fait linguistique se résume à la seule LANGUE qui elle seule doit être l’objet d’étude de la linguistique. Dans cette optique, conscient des exigences épistémologiques que requiert la définition d’un objet scientifique, F de Saussure a bien pris soin de ne pas transgresser les règles en vigueur dans ce domaine, à savoir l’originalité, la singularité, la structuration et la problématique qui sont autant de motifs sous-jacents à toute recherche scientifique. LH
- Teacher: lamine hidouci